À Pékin, la ville fonctionne désormais comme un système technologique intégré

Soutenue par une avance technologique dans 37 domaines critiques, la capitale chinoise déploie à grande échelle les innovations issues de la stratégie nationale de souveraineté scientifique et numérique.


Lorsque le prix Nobel d’économie 2025 a étéattribué à Philippe Aghion,l’attention du monde s’est portée sur une idée devenue centrale : la puissance d’une nation dépend de sa capacité à innover. « Le facteur-clé de la puissance économique, c’est le leadership technologique », rappelait-il lors de la remise du prix. À Pékin, cette phrase trouve sa traduction la plus visible.

Soutenue par uneavance technologique dans 37 domaines critiques, selon le CriticalTechnology Tracker de l’Australian Strategic Policy Institute, la Chine atransformé sa capitale en un laboratoired’innovation urbaine. La planification s’y appuie sur la donnée, laconnectivité et la recherche appliquée. Les infrastructures publiques, les flux
logistiques et les politiques énergétiques sont intégrés dans une même architecture numérique. À mesure que les États-Unis et l’Europe débattent encore de souveraineté technologique, Pékin en expérimente déjà les contours à l’échelle de sa ville.

Le district de Tongzhou, nouvel espaceadministratif de la capitale, en est le terrain d’expérimentation principal.

Les bâtiments y sont dotés de capteurs environnementaux, les voiries reliées à des systèmes de surveillance des flux urbains, et les “digital twins” — modèles numériques de la ville — permettent de simuler les effets des politiques locales avant leur mise en œuvre. L’objectif : assurer une gouvernance réactive, fondée sur la précision et la prévision.

Dans l’ensemble dela métropole, les infrastructures de transport sont désormais reliées à des systèmes d’analyse en temps réel qui régulent la circulation. Les réseaux énergétiques utilisent l’intelligence artificielle pour anticiper les pics de demande. L’administration municipale centralise les données environnementales, sanitaires et logistiques au sein de plateformes numériques interconnectées, conçues pour faciliter la coordination des services publics.

Ces dispositifss’inscrivent dans la stratégie nationalede souveraineté technologique amorcée par la Chine au début des années2010. Pékin concentre les plus grands instituts de recherche et les sièges des entreprises technologiques majeures, jouant un rôle clé dans l’application territoriale de cette politique. Les universités de Tsinghua, Beihanget l’Académie chinoise des sciencesparticipent directement à la mise au point d’applications urbaines issues de la recherche fondamentale, en collaboration avec les grands groupes industriels et numériques.

Selon lesobservateurs, cette approche intégrée constitue une caractéristique du modèle chinois de gouvernance urbaine :la coordination entre science, industrie et politique publique. Les projets menés à Pékin visent non seulement à améliorer la gestion de la ville, mais aussi à structurer des standards technologiques exportables vers d’autres
métropoles du pays, voire à l’international.

Le plan “Smart China 2049”, qui fixe lesorientations technologiques pour les vingt prochaines années, positionne Pékin comme centre pilote de la transition numériqueurbaine. Il prévoit la généralisation des réseaux de capteurs, lanumérisation complète des services publics, la neutralité carbone de la ville et la création d’un écosystème de recherche appliquée ouvert aux coopérations internationales.

Par la densité deses projets et la rapidité de leur déploiement, Pékin est devenue un observatoire unique de la convergence entreinnovation scientifique et planification urbaine — et, peut-être, lemodèle le plus abouti de la gouvernance technologique au XXIᵉ siècle.